• Souvenirs, souvenirs...

    Belle journée que fut ce dimanche de printemps. Un petit tour à la soupe populaire, au local électoral de Québec solidaire, puis j'ai fait la distribution de pamphlets sur la rue Masson. Ensuite, je suis allé prendre une bière, chez la camarade avec qui j'ai fait le trajet des rues de Rosemont. On s'est raconté un tas de trucs et nos espoirs, pour la vie après l'élection. En retournant chez moi, je suis tombé par hasard sur Patrick, un ancien collègue, du temps de la librairie Garneau, qui allait souper chez sa mère avec sa copine. Il travaille désormais pour la librairie Raffin, au même centre commercial où nous étions, il y a sept ans. On a bien sûr parlé de la situation précaire des deux compagnies, la sienne et Renaud-Bray, empêtrées dans les mêmes problèmes de gestion à la petite semaine. On s'est raconté beaucoup de souvenirs de notre époque chez Garneau, cette compagnie qui allait également nulle part. C'est à croire que les chaînes de librairies n'ont pas un bilan historique extraordinaire, si on fait le décompte des multiples échecs de ce genre d'entreprise. Quand on pense que Renaud-Bray se voulait le quasi-monopole, avec ce que j'ai vu en neuf ans et ce que j'entend des problèmes de Raffin, les librairies indépendantes ont encore de beaux jours, à moins qu'elles souffrent également de la concurrence déloyale des grande surfaces, les Costco, Wal-Mart, La Baie et les autres. On a dit bien d'autres choses, sur des connaissances communes, les flagorneurs qui s'entassent dans les postes de décision et qui font semblant de faire quelque chose pour nos chaînes. Évidemment, je suis sous surveillance, mon blogue est lu par un de ces téteux, je n'en écris pas plus long...

     

    Revenir vivre à Québec...pas pour demain!

     

    J'ai une vague idée d'un rappel brutal, celui des raisons pour lesquels je n'habite plus dans la région de Québec. Je sais, je suis ennuyant avec ça, mais la rafle de la grande majorité des comtés par l'Union Nationale créditiste de Mario Dumont, telle que je me l'imagine, ça confirme mon choix de ne pas vivre là-bas. À propos, il en a été question cette après-midi. Pourquoi je suis allé vivre à Montréal? Ouais, comment se fait-il que je suis déménagé d'une région aussi géniale que celle de Québec?

     

    Le plus drôle, quand j'y pense, c'est que je n'aimais pas Montréal, il y a un peu moins de vingt ans de cela. J'avais ma blonde de l'époque, qui habitait la métropole, rue saint-Denis, je lui rendait visite, mais la ville m'inspirait autant d'appréhension que d'inquiétude. Vous avez lu mon texte sur ma xénophobie d'autrefois, c'était dans cette période. Tout était pour moi anglais, ethnique, sale, moche, bizarre, avec les odeurs que je ne sentais pas chez moi... de la courte vue juvénile, vous l'aurez compris. Quand je suis revenu plus tard, vers 1997, quand je sortais avec Judyth, nouvellement déménagée dans Hochelaga-Maisonneuve, sur la rue Darling, ma vision était différente. Je n'avais plus tellement de préjugés, sauf sur l'homosexualité, dont j'avais sensiblement les mêmes vues homophobes que les autres gars de Lévis. Il a fallu que je travaille avec deux gays, dès le début de ma carrière de libraire l'année suivante, pour faire tomber mes idées bêtes et méchantes, héritées d'années d'ignorance. Maintenant, on peut dire que j'ai rompu avec ce genre d'intolérance, grâce à la vie à Montréal.

     

    J'aurais bien aimé habiter dans la région de Québec, et pourquoi pas, à Lévis, où mes parents, ma sœur et sa famille, plusieurs de mes amis très proches habitent toujours. En fait, je suis déménagé parce que j'étais un chômeur. Marginal, avec un diplôme universitaire et chômeur, sans possibilité de me faire embaucher dans cette région. Non pas que le travail manquait, mais je me voyais mal d'essayer un emploi à l'autre, en me disant « je gagne ma vie, c'est bien, je vais me couler dans le moule... ». Ce n'étais pas pour moi. Je me souviens que mes parents était persuadés que je pouvais me trouver de l'emploi sans problème, avec un diplôme universitaire, toutes les portes s'ouvrent...grosse erreur. Le pire, c'est que j'ai laissé tombé le projet, à l'époque, de faire une maîtrise en journalisme, parce que je me suis fait convaincre que ce n'était pas nécessaire de faire des études plus longtemps. C'était peut-être l'effet Tanguy, avant la sortie du film du même nom. Finis les études en littérature, ça m'a mené à devenir...représentant-vendeur de téléphones cellulaires. Ma première expérience de vente. Après des semaines de recherche, ce fut la seule porte qui s'est ouverte. Et la sérieuse envie de faire autre chose de ma vie, quand j'ai réalisé que je travaillais pour des escrocs en veston-cravate.

     

    Dans la dernière année avant mon déménagement, les circonstances m'ont convaincu que la région de Québec, ce n'était pas un endroit pour moi. Durant la période où j'ai cherché un emploi, à partir du moment où j'ai quitté le restaurant où je me suis fait exploité pendant un an et demi et mon déménagement, j'ai accumulé les ressentiments, envers une région peu hospitalière envers ceux qui font preuve d'indépendance d'esprit, surtout si ils ont le culot d'avoir l'air différents. Je l'ai déjà écrit, je ne fait pas seulement écouter du métal et du punk et penser à gauche, ça apparaît rapidement avec moi. En ma présence,  on le voit et on l'entend. Les employeurs, ils aiment pas ça du tout. J'aurais parfois voulu avoir plus de facilités dans la vie, dissimuler ce que je suis réellement m'est impossible. J'ai un charme fou en chemise-cravate, mais mes vues demeurent et ils transcendent ma pensée, en tout temps. C'est un peu pour ça que je garde mon emploi actuel, même s'il me satisfait pas toujours, car j'ai eu à cœur d'améliorer ma situation et celle de mes collègues, d'où mon implication syndicale. Quand on a connu le sentiment de pouvoir traiter d'égal-à-égal avec son bon patron, c'est difficile de se voir autrement. À Québec, je n'envisage même pas la situation. Chômeur j'étais, chômeur je serais demeuré. Ou travailleur à statut précaire, avec une succession de petits boulots. Comme celui à l'usine de plastique, dans le secteur Saint-Romuald de Lévis, où j'ai passé un mois et quelque. Aussitôt que mon patron a entendu dire, de je ne sait quel « stool », du peu d'appréciation que j'avais sur l'organisation du travail (douze heures de travail par jour...), j'ai été remercié de mes services.

     

    Ça fait presque neuf ans que je suis libraire. Je pense être compétent, près d'une centaine de collègues, comme la plupart des cadres des succursales où j'ai été employé, ont apprécié le fait de travailler avec moi. Pourtant, quand j'avais essayé de le devenir à Québec, je me suis fait envoyé promener. À une endroit en particulier, à la Place Sainte-Foy, on a prétendu qu'on employait seulement des gens avec dix ans d'expérience... Quand j'ai été embauché à la librairie Garneau, à Montréal, on ne m'a pas fait autant d'histoire sur mes capacité de travailler, en six mois, on peut avoir fait amplement le tour de tout ce que nous avons besoin d'apprendre. Je pense que le fait d'avoir les cheveux longs n'aide pas à se faire embaucher à Québec, du moins à cette époque, d'où le « dix ans d'expérience » demandé à Sainte-Foy. Chez Garneau, le code vestimentaire était formel, mais on ne faisait pas de chichi sur le look. Il y avait parmi nous une fille qui était d'un style goth, avec un piercing au nez très visible, chose impensable à voir à Sainte-Foy-la-pure-et-conforme, la ville si belle et à l'image de madame Boucher, l'actuelle mairesse de la Capitale.

     

    Ce n'est pas tellement un cliché d'écrire sur l'impression qu'à Québec, tous se ressemblent, invariablement. Quand j'y retourne, par exemple pour mes vacances chez mes parents, ça me saute aux yeux à chaque fois. J'ai cette impression de ressemblance quand j'entre dans un centre d'achat, peu importe si c'est à Montréal, Laval ou Lévis. À Québec, c'est étendu partout, sauf peut-être la basse-ville. Sinon, on dirait que personne ne semblent avoir une personnalité propre, du moins en apparence. Il existe de nombreux endroits imperméables au conformisme « fidéen », comme les secteurs près de la Côte d'Abraham, les quartiers Saint-Jean-Baptiste, Montcalm, là où on retrouve une activité culturelle florissante malgré tout. Malheureusement, quand on est chômeur et voué aux petits boulots moches et une dette d'étude de plus de 20 000$, on ne pense plus tellement à la vie culturelle. Les gens différents du moule, ils le ressentent durement et nombreux sont ceux qui finissent par prendre l'autoroute 20 vers l'ouest, comme je l'ai fait en 1998. Après cela, on s'étonnera de la disparité et des animosités entre les deux régions. On est nombreux qui ont pris la route vers Montréal, parce que nos régions ne nous ont pas retenu, elles n'ont rien fait et on s'est même fait dire « bon débarras! ». Des Montréalais pur jus, je n'ai connu qu'une poignée, en près de neuf ans. Tous mes amis et connaissance proviennent des régions, une majorité viennent justement de celle de Québec. On la connaît, la Vieille Capitale, et les raisons de ne plus être à l'aise dans ses murs renvoient la balle dans le camp des « Montréalophobes ». Avant de se plaindre de l'importance qu'a pris la Métropole dans les champs médiatique et culturels, il faut voir pourquoi les régions ont permis une fuite d'autant de ses natifs. Outre l'attrait de la ville, il faudrait parler aussi du peu d'intérêt, de la part des élites des régions, envers ses émigrants.

     

    Anecdote. Pour ceux qui s'en souviennent, on faisait autrefois des histoires incroyables sur la présence des punks à la Place d'Youville. On en a écrit des récriminations, dans le Journal de Québec, où l'on rapportait la moindre plainte des bons commerçants du Vieux Québec, qui espéraient vois un jour cet endroit interdit aux personnes « qui avaient pas d'allure ». L'un d'entre eux avait même dressé le projet de placer des gardiens aux portes du Vieux-Québec, pour empêcher les jeunes punks d'entrer sur leur rue réservée pour les touristes. Pas étonnant qu'il ait eu des émeutes dans ce même secteur, à cette époque (1994, 1996 et 1997). Heureusement que le maire de l'époque avait pas mal plus d'ouverture d'esprit que l'actuelle mairesse, je n'ose imaginer l'empressement qu'elle aurait eu de se mettre en quatre pour éloigner ces rejets de la plèbe dans la basse-ville, d'où viennent ces mal-propres.

     

    Alors, si la Vieille Capitale envoie un grand nombre d'anarcho-créditistes pour la représenter à l'Assemblée nationale, afin de me faire dire comment je suis un être inutile et contre-productif, moi et mes semblables de la « go-gauche », je vais hésiter encore, avant de revenir vivre dans ma région d'origine. Je continue à espérer qu'un jour, cette région m'apparaîtra plus accueillante.

     

                                         

                                          La mairesse de Québec, Andrée Boucher...


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