• La crise alimentaire.

    Les explosions de violences causées par la montée fulgurante des prix de l'alimentation, dans des pays aussi divers que les Philippines, Haïti, le Mexique ou la Côte d'Ivoire a de quoi nous inquiéter. En fait, c'est une crise qui peut déboucher rapidement sur de graves problèmes internationaux, voire des guerres, suite à des troubles internes hors de tout contrôle.

     

    Plusieurs facteurs ayant causé cette crise sont facilement repérables. Au premier chef, c'est la conjoncture économique. Les fonds d'investissements, en manque d'opportunité pour faire fructifier les avoirs de leur clientèle suite à la chute du crédit immobilier aux États-Unis, ont eu la brillante idée de s'intéresser au domaine alimentaire et agricole. Le résultat est là, comme dans tous les autres domaines où la finance s'est employé à contrôler, la partie de spéculateurs qui mettent en péril les entreprises et les emplois, au nom du gain rapide (pour ne pas parler de rapine ou encore de piraterie...) ont encore laissé leur trace. Sans aucun scrupule, cette catégorie d'investisseurs a contribué largement à faire augmenter les prix des denrées alimentaire, dans un contexte le plus mal choisi. En effet, cette spéculation a coïncidé avec une augmentation des coûts de transport, avec la hausse vertigineuse des prix du pétrole. Il n'est donc pas étonnant de voir la colère éclater ainsi, dans des coins du globes éloignés les uns des autres. Les salaires déjà insuffisants pour bien vivre, ne peuvent tout simplement plus permettre la survie.

     

    La crise alimentaire est causée également par les politiques imposés par les pays prêteurs aux pays émergent, là où précisément la crise a été nettement plus explosive. Dans les années 90, le Fonds monétaire international (FMI) a imposé ce qu'on a appelé des programmes d'ajustements structurels (PAS) à bon nombre de pays endetté, sous prétexte qu'il s'agissait d'une « médecine de cheval » infaillible, pour permettre le remboursement de la dette de ces pays. Ces programmes étaient décriés surtout parce qu'ils obligeaient les nation sous leur joug à adopter des politiques néo-libérales, comme la réduction de la fonction publique et la privatisation de pans entiers du secteur public. L'aspect le plus désastreux de ces programmes a été la spécialisation de la production agricole et des matières premières. Plusieurs pays ayant eu une production multiforme auraient pu déjouer cette crise, par la présence d'une production de consommation interne permettant à la population d'avoir des alternatives alimentaires. Or la spécialisation a obligé ces même pays à importer massivement leurs denrées alimentaires, les mettant à la merci de crises semblables, ce dont les brillants économistes du FMI n'ont jamais pu prévoir. L'aspect le plus sinistre de cette crise est que le même FMI a envoyé la consigne aux États les enjoignant de maintenir leur exportation agricole coûte que coûte, afin de ne pas aggraver la crise. Facile à dire, quand une population manque de farine et de lait, mais habite dans un pays exportateur...

     

    Enfin, l'utilisation des sols a été également désigné comme un facteur de cette crise. Nous avons entendu parler amplement de cette incongruité, l'utilisation de grandes terres pour la production de maïs, lui-même utilisé à la fabrication de l'éthanol, l'additif pour le pétrole. Cette surproduction a ainsi empêché la fourniture de denrées alimentaire considérables, pour nourrir la population mondiale. Ainsi, en Amérique latine, de grande propriétés agraires sont désormais productrices exclusives de maïs, pour l'unique utilisation non-alimentaire qu'est la production d'éthanol, au mépris des besoins immédiats et vitaux des  populations. De même, la production massive de viande est également pointée du doigt dans cette crise. L'apport de nouveaux marchés en Asie pour le bœuf, acquis dans le changement alimentaire suivant l'importation des habitudes de vie occidentales à des populations de plusieurs centaines de millions de consommateurs, obligent l'agrandissement et l'achat de nouvelles terres, dont le but est de fournir le pâturage nécessaire à la production bovine. Déjà, il était inquiétant de voir le maintien de cette production à son niveau actuel, tant pour l'appauvrissement des sols, l'érosion de la forêt amazonienne jouxtant ces immense pâturages brésiliens et la formation de gaz à effets de serre, imaginez l'apport d'une population ayant les mêmes habitudes de consommation désastreuses multipliée par deux!

     

    La crise alimentaire ne sera pas que passagère. Pire, elle n'est qu'un symptôme de crises plus graves à venir. Dans ce contexte, plusieurs États risquent de se fragiliser, devant la montée de la colère et de la violence de leur population désespérée. Nous devons donc craindre d'éventuels conflits internes, si ce n'est de conflits entre États, pour le contrôle de productions agricoles, sans compter la possibilité de déplacement massifs et incontrôlés de populations entières. Rien de réjouissant est à prévoir pour l'instant, malgré les efforts et les envois massifs d'aliments de base. Surtout quand les marchés se rebiffent à l'idées de devoir encadrer la spéculation, au nom de la sacro-sainte loi de la liberté du commerce...


  • Commentaires

    1
    Math
    Lundi 21 Avril 2008 à 04:45
    Excellent post
    Ça résume très bien la situation. Merci pour cet excellent post ! Math
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