• L’OMC dans l’impasse? Tant mieux!

    On a assisté de nos salons à un bien triste spectacle, soit celui de la fin des négociations sur la libéralisation totale du commerce international, dans le cadre de l'Organisation mondiale du Commerce. En fait, il a été plutôt réjouissant d'apprendre la fin lamentable de ces  pourparlers, surtout quand les représentants des pays émergents comme l'Inde ou le Brésil n'ont pas été dupes de la mauvaise foi évidente des négociateurs occidentaux. Il fallait voir le ministre du commerce Michael Fortier, quand il est sorti de la grande salle de réunion, en prenant un air affecté, soucieux de la malchance guettant les pays pauvres et de l'ingratitude des pays riches.

    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>

    La déclaration la plus étonnante (et aussi la plus hypocrite) est venue des Occidentaux, lorsqu'ils ont affirmées que ce sont les pays pauvres qui vont écoper de cette impasse. Au contraire, ces négociations ont eu pour but de faire tomber les barrières tarifaires des pays les plus pauvres, dans un contexte où il est évident que le rapport de force ne les avantageait pas. Les négociateurs américains et européens ont tenté d'ouvrir le marché alimentaire de ces pays, sans pour autant s'engager à s'ajuster devant un tel déséquilibre. L'ajustement en question est la fin des subventions accordées aux agriculteurs des pays riches, de façon à garder leur production à prix compétitif, devant les productions étrangères. Comme il semblerait qu'aucun gouvernement ne tient à laisser tomber cette pratique, pour des raisons aussi plates que le soutien électoral dans certaines régions, les producteurs agricoles pourront souffler en attendant une éventuelle reprise de ces négociations.

    <o:p> </o:p>

    André Presse de la Pratte, toujours aussi rapide pour évoquer le saint dogme de la libéralisation, a qualifié de « mesure dépassée et archaïque », cette pratique des subventions, sans pourtant se justifier sur le besoin de cette politique. Il a pourtant omis d'évoquer le fond du problème, plus gênant à traiter, de la part d'un ardent défenseur du marché. Le problème ne vient pas de la frilosité des représentants des pays pauvres, ni de celle des producteurs agricoles du Nord. En fait, c'est que la libéralisation des marchés se heurte à un obstacle de taille, quand les États-Unis et les pays européens pratiquent un libre-échange à sens unique. Tant que ce sont les pays plus pauvres qui abaissent leurs barrières tarifaires, les partisans du libre-échange exultent, mais ils ne sont pas très empressés de commenter les tarifications spéciales et les embargos des riches. On a eu de nombreux exemples, avec cette fumisterie qu'est l'ALENA. Combien de fois des clauses spéciales et des règles se sont appliquées sur les produits d'importation canadiens, pour satisfaire tel ou tel lobby à Washington? Libre-échangistes, les riches? Bien sûr, mais seulement quand ça fait leur affaire...

    <o:p> </o:p>

    Si les subventions agricoles devaient être abolies au Canada et au Québec, selon le désir de M. Presse de la Pratte, nous pourrions voir disparaître bon nombre d'entreprises familiales et de petites productions, avalées par les grandes entreprises agricoles ou encore s'effacer devant la loi impitoyable du marché. Sans doute nous verrions s'effondrer le secteur des produits artisanaux, tels que les producteurs locaux de fromage, de sirop d'érable, de viande d'élevage alternatif et autres produits du terroir. Dans un contexte de libre-marché, les coûts de production auraient rapidement le dessus sur la demande des consommateurs. Les subventions permettent la survie de ces productions locales, dont nous profitons en tant que consommateurs. Je ne vois pas trop en quoi elles sont dépassées, à moins que M. Presse de la Pratte préfère voir les régions se soumettre à quelques industries spécialisées, comme la production porcine, au risque de connaître les mêmes soubresauts des cinq dernières années. Peut être qu'il a la mémoire courte, l'éditorialiste : c'est justement le manque de diversité des industries régionales qui sont à la base de la fragilité économique de ces mêmes régions.

    <o:p> </o:p>

    En terminant ce texte, je me suis souvenu avec nostalgie des précédentes rencontres, presque toujours accompagnées de grandes manifestations altermondialiste. Cette fois-ci, on n'en a pas entendu parler du tout. Peut être qu'il ne s'est rien passé, ou encore les manifs n'étaient que symboliques, ou encore on  eu droit à un black-out médiatique... et puis peut être que la lutte contre la mondialisation néolibérale a été remportée, quand nous voyons tout ce beau monde cravaté se déchirer entre politiciens pragmatiques et gardiens du dogme du marché. Dans ce contexte, aussi bien laisser les projecteurs sur leurs disputes sémantiques, plutôt que se faire passer pour des émeutiers...

     


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :